« ORCHINEA ESPOSITO, LE CUL ENTRE DEUX CHAISES »

« Tu crois que tu commences à vivre lorsque, nouveau né, tu cris pour la toute première fois ? On se fou de lorsque notre vie commence ! Elle débute réellement quand on commence à tourner autour de quelque chose, de positif comme de négatif. Un mec. Un projet. Une passion dévorante. Un merdier qui vous bouffe tous votre temps. Un remord. Un truc qui vous gangrène, avec votre bénédiction ou non. Une addiction qui vous ronge. La drogue. »

Le visage légèrement incliné de côté contre la vitre humide du taxi, ses yeux aux contours incroyablement cernés fixant les lignes blanches de la route qui défilait devant elle, Orchinéa souriait niaisement, un sourire exprimant une joie dont elle n’était pas l’auteur mais plutôt la victime. Vous savez, l’une de ces joies illusoires créée par des substances illicites telles que des rails de cette poudre blanche appelée cocaïne, quelle ironie d’ailleurs que le blanc continu d’être le symbole de la pureté et de l’innocence. La jeune fille, recroquevillée sur le siège arrière du véhicule, et par la froideur de son état, emmitouflée d’un manteau ainsi que d’un bonnet noir, sentit le véhicule se stopper. Le conducteur ne disait pas un mot, sans doute cet imbécile avait compris qu’elle n’était pas dans son état normal mais avait une famille à nourrir, alors préférait transporter une jeune fille qu’on aurait du dénoncer aux forces de polices pour gagner quelques dollars de plus, faire la fierté de sa femme : peut-on lui reprocher ça ? Il lui annonça le prix, visiblement pressé de se débarrasser d’un élément qui pourrait lui rapporter des ennuis. Plus tellement lucide car habituait à vendre et consommer de la drogue mais certainement pas en telle quantité, il fallait l’avouer, Orchinéa remonta la manche de sa veste et tendit ostensiblement son bras piquait à divers endroits en direction du siège avant, pourtant consciente qu’une vitre de sécurité séparait les clients du conducteur. Elle fit de grands gestes avec son bras, comme une enfant euphorique qu’elle n’était plus depuis longtemps, surtout depuis qu’elle s’était laissé embarqué dans des histoires de drogues, sans grande excuse, simplement flattée qu’on lui reconnaisse un certain talent dans un milieu où peut en avez, sans doute. Orchinéa se décida enfin à s’extirper du véhicule. Sa main ripa dans une première tentative contre la petite poignée servant à abaisser la vitre de la portière, puis, après avoir inventait des boutons permettant d’ouvrir la portière qui n’existaient autre que dans son petit monde, elle réussit à tirer sur la petite manette permettant d’ouvrir la portière. Elle poussa la portière avec ses pieds pour se dégager de là, entendit le conducteur soupirer tant elle devait faire peine à voir pour quelqu’un qui avait l’âge d’être son paternel, posa un pied puis deux sur le trottoir et trouva l’air glacer, au dehors. Un mince filé de fumé s’échappa de sa bouche entrouverte. La prochaine étape consistait à payer le conducteur mais elle n’avait plus un sous sur elle, tout était partie dans la drogue, voyez vous. Malheureusement habituée à prendre le taxi avec le porte monnaie vide, elle se servit de toute l’allégresse que lui permettait la drogue défilant dans ses veines pour s’enfuir sans donner son du. Mais elle eut simplement le temps de faire le tour de la voiture, car une fois engagée au milieu de la chaussée, elle sentit deux étranges lumières l’aveugler, se recroquevilla, sorte de réflexe humain, et recouvrit ses oreilles avec ses mains pour couvrir le bruit d’un frein qu’on écrase, de pneus crissant contre le béton. Renversait, vous dites ? Oh non, on dit toujours que ce sont les bons qui partent les premiers, n’est-ce pas ? Orchinéa entendit une portière s’ouvrir, puis des pas accourir vers elle, des mains affolées et tremblantes se crisper sur ses épaules, et tellement de références à Dieu et à tous le reste. Elle releva la tête avec stupéfaction, ne comprenant pas très bien ce qui lui arrivait, et vit un chapelet pendu à un rétroviseur avant ainsi que la statuette d’une vierge Marie renversait sur le tableau de bord de ce véhicule inconnu. Elle se mit à rire à gorge déployée, hallucinant en voyant une telle déco. Sa voiture à elle consistait en un tableau de bord remplit de publicités, de places de concerts, de gobelets vides ou d’autre cochonneries en tout genre, provenant de Fast Food et d’ailleurs. Elle riait qu’on puisse être aussi ordonné et se promener avec des trucs aussi étranges dans sa voiture, mais qu’était-ce donc ? Elle resta docile jusqu’à ce qu’une voiture de patrouille, qui devait circuler dans le coin, pour être arrivée si rapidement et avoir entendu tous le foin provoqué par les freins de notre décoratrice atypique, tourna à l’angle de la rue et roula jusqu’à leur hauteur. Orchinéa essaya de se débattre mais avec la force d’une mendiante, retenue par ce qu’elle discerna enfin être une croyante qui se reprochait sévèrement son acte et tenait à ce qu’elle reste afin qu’elle fasse quelque chose pour l’aider. Non, non, non ! L’un des policiers interpella la bonne sœur, reconnaissable par son accoutrement. Il lui demanda de reculer, barbotant quelque chose comme une demande de renforts dans sa radio, crachotant dans le truc qu’elle n’était peut être pas seule. Il montrait un papier à l’agent de patrouille avec lui, et tous le monde pouvait deviner qu’il s’agissait du portrait d’Orchinéa Esposito, recherchait pour vente et consommation accrue de drogues. Impuissante, piteuse, la jeune femme n’eut même pas conscience tout de suite de la facilité déconcertante avec laquelle les deux policiers la cueillir.

AGENT - Mademoiselle Esposito, nous vous arrêtons pour vente, consommation et peut-être possession de drogue. Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous.. »
ORCHINEA - Ta gueule ! », hurla-elle, toujours inconsciente de se montrer si puérile.

Vingt quatre heures plus tard.

SEAN - Elle nous a balancé un nom, Steve ! »
STEVE - Et alors, ça, tous les camés le font pour qu’on les laisse tranquille ! Ensuite, ils se trouvent un nouveau job afin de pouvoir acheter encore plus de leurs saloperies et tôt ou tard, ils nous donnent un nouveau motif pour qu’on les coince, ce qui est de la putain de perte de temps, mon ami, parce qu’on aurait pu s’éviter ça en les coffrant dès le premier tour ! Tu comprends ? »
SEAN - Ouais, mais.. »
STEVE - Mais quoi ? T’en pinces pour elle, c’est ça ? »
SEAN - Que dalle ! J’essaie juste de t’expliquer que la bonne sœur qui a faillit là faucher a dit que Dieu l’avait éclairé, l’autre soir ! Il lui a dit que pour se faire pardonner d’avoir mis sa vie en danger, même intentionnellement, il fallait accueillir cette jeune fille dans le couvent, pour l’aider ! »
STEVE - Tu veux mon avis ? Ta mémé, là, elle disjoncte, personne ne peut aider cette gamine, ces gens là ne changent pas, et tu le sais parce qu’on en a vu des centaines ! Renvoi moi ça dans son couvent, j’ai d’autres choses beaucoup plus importantes à régler, si je ne fini pas mon travail, c’est mon boss qui va me botter le cul, pas Dieu, que je sache ! »
SEAN - Ecoute, Steve, ça nous éviterait le « second tour », avec la droguée, comme tu le dis si bien ! Et puis.. »
STEVE - Quoi, putain ? »
SEAN - C’est que.. C’est une bonne sœur ! Elle cherche à aider ! Et ma femme est croyante, alors.. Si elle lit dans les journaux que toi et moi nous avons permis à une jeune adulte complètement paumée de se remettre dans le droit chemin, sans violence, alors qu’elle-même avait fait l’effort de coopérer, je crois qu’elle reviendra, qu’elle comprendra que.. je l’aime ! Tu es mon ami, merde ! »
…
STEVE - Bon, d’accord, mais je préférerais qu’on n’ébruite pas cette affaire.. ! Hey, et maintenant, tu m’es redevable ! »

Vingt quatre heures plus tard.

SŒUR ANNABETH – Bienvenue au couvent, mademoiselle ! (...) »

« Me croyez-vous si, aujourd’hui, je vous dis que je veux me racheter ? Non ? Bien, vous devriez. C’est la vérité. Je crois que ce couvent est l’occasion pour moi de me refaire une santé. Je dirais même qu’il n’est pas impossible que je m’y vois bien, à long terme… Oh, ça ? Ne vous inquiétez pas, le sexe, c’est un peu comme la drogue, finalement, et je ne vois pas pourquoi je pourrais très bien me passer de l’un et pas de l’autre. Aussi, je voudrais me rapprocher des petites sœurs, et aider Androméda qui a besoin de moi, aussi, mais je me rends compte que la plupart des personnes ici sont très réticentes, trop réticentes. Mais j’ai quelque chose à faire ici ; je ne sais ni quoi, ni comment, ni si Dieu compte vraiment dans tout ça, mais j’ai quelque chose à faire.. ! »

Il se pourrait bien que la petite poudre d'innocence se cache dans les petites statuettes témoignant pourtant de si bonnes intentions de la part de qui les possède, non ? Il se pourrait même que tous le monde dans ce couvent ne soit pas aussi optimiste à l’idée d’accueillir une sorte de junkie irréparable au sein d’un lieu de bonne conduite ? L’abstinence pourrait-elle être compromise ? Un combat intérieur qui promet d’être difficile, umh ? Alors, amen.