« J’ai été élevée dans la plus pure tradition catholique. Lorsque j’étais petite, mes parents me forçaient à réciter le bénédicité avant chaque repas et à prier avant de me coucher. ' Activités ' que je considère personnelles dorénavant. Confortés dans leur idée que j’étais une enfant prodige, ils ont fait de moi une véritable petite Sainte. J’ai suivi sans rien dire, persuadée que c’était ce qu’il me fallait pour être la pureté même ; je voulais être parfaite, l'égale de la Vierge ou de l'Immaculée Conception. C’est pour cela que j’ai intégré le Couvent San Marco ; j’étais faite pour être nonne, pour la plus grande fierté de mes géniteurs. Bien que mes hormonent travaillent plus que de raison depuis que je suis ici. Néanmoins, je suis toujours la même jeune femme un peu perdue - considérée comme un véritable boulet par la plupart de mes 'sœurs' - la nonne qui arrive à marcher le SEUL râteau qu'il y a dans la cour. Inutile de vous dire que j'ai goûté aux souffrances de l'enfer en me prenant le manche de cet instrument sur le nez.
Enfin soit. Ma présence ici... J'aime Dieu. Je lui suis dévouée. Inutile de vous débiter toute une liste d'anecdotes. »

★ ATTENTION ★

« Chérie, tu es acceptée à San Marco. »
L’interpellée leva la tête, médusée. La pomme qu’elle tenait en main s’échappa, tomba et roula sur le carrelage de la cuisine. San Marco, San Marco… Le Couvent ? Ecarquillant les yeux, Cassandre ouvrit la bouche et la referma presque aussi rapidement. Partagée entre deux façons de réagir, la jeune femme de dix-huit ans tapota la table de son index, rêveuse. San Marco. Un simple coup d’œil signifia à C. que ses parents explosaient de fierté, les yeux couverts d’un voile malicieux. Cassandre se leva difficilement prête à débiter tout un discours comme quoi elle était absolument ravie, enjouée et toutes les petites merdes de dialogues qu’on récite à toute vitesse lorsqu’on a rien de concret à dire. Mais rien ne sortait. Juste quelques gargouillis mécontents. « Chérie, tu es heureuse ? » son père lui donnait le bâton pour se faire battre. Si elle était heureuse ? et bien… « Oui, papa. Je suis heureuse. » Allez, on sourit. Et si jamais la mère fond en larmes dans les bras du père, si le petit chien sautille tout autour de la jeune fille, si jamais cette dernière ne réagit pas, persuadée que tout le monde profite d’elle. Que sa propre vie ne sera pas faite que de débauche et que c’est sans doute mieux ainsi. Que jamais elle ne se fusionnera à un homme et aux plaisirs de l'érotisme. Cela veut dire que le tableau est complet. Seigneur. Le tableau est complet.

« Cassandre, tu rêvasses ma fille ? »
Le front collé à la vitre, tandis que la voiture filait à toute allure vers son avenir, C. ne prit pas la peine de répondre. Observant un ouvrier qui s’acharnait à « recoller » les petits morceaux de sa pelle, notre future nonne éclata d’un rire cristallin. Son père lui coula un petit regard interloqué jusqu’à ce qu’il comprenne ce qu’elle regardait avez assiduité. Le cœur du Patriarcat se serra et il appuya sur l’accélérateur. C. s’enfonça profondément dans son siège et souffla « C’est dommage que maman soit restée à la maison. » Cassandre n’attendait pas de suite et, de toutes façons, son père aurait été tout à fait incapable de suivre les pensées de sa fille. Brusquement, ce dernier freina et il eut de la chance que la cage thoracique de C. ne se soit pas faite écraser sous la pression de la ceinture. « Cassandre,… Si tu ne veux pas.. je comprendrais. Ta mère ne pourrait pas comprendre mais moi, si. Si tu ne veux pas aller au Couvent, si tu veux… baiser, fumer, te faire prendre par tous les côtés, à la place, je pourrais comprendre, et sur un ton d’excuse il ajouta, j’ai été jeune, moi aussi. » Un long silence fit suite à ce petit discours. Puis les paroles de Cassandre claquèrent comme un fouet « Ravie d’apprendre que tu as pris les femmes par tous les côtés. » Bordeau Chesnel, nous n'avons vraiment pas les mêmes valeurs.

« Milo ! »
Il marchait vite, le con. S’agrippant à lui comme une moule à son rocher – fabuleuse comparaison –, Cassandre put enfin le retenir. Il ralentit et lui lança un regard dénué de toute expression. « Je peux savoir ce qui se passe, Milo ? Tu es enragé parce que… parce quoi ? Parce qu’on a couché ensemble ? Ou parce que je suis enceinte ? » les mots de C. aux consonances si frêles, une fois prononcés, lui semblèrent faux. En fait, ils l’étaient. Totalement faux. Oh, ils avaient bien couché ensemble. Une seule fois. Mais pour ce qui était de la grossesse, c’était une autre histoire. A vrai dire, c’était le seul moyen que C. avait trouvé que Milo n’aille pas voir ailleurs – et aller voir où ?, on est dans un Couvent, je te rappelle. L’homme lui attrapa les poignets et sembla réfléchir un quart de millième de seconde avant de prononcer les mots maudits « Je suis enragé parce qu’on va devoir se marier. » Cassandre fit un bond en arrière. Son mensonge était parti plus loin qu'elle ne l'avait espéré. Elle était nonne, Bordel de Dieu (oups, excusez-moi), ils ne pouvaient décemment pas se marier. Mais une petite voix sarcastique résonna dans l'esprit de C. ‘Ouais, tu es nonne. Et être nonne t’a empêchée de coucher avec lui ?’ Merci, petite voix. Pour le coup, Cassandre était devenue aussi muette qu'une moule échouée sur le sable.