« J'ai une vie. Et moi aussi! Bon... ça fait deux »«
Santi, tu viens jouer avec nous? » «
Nan j'ai pas envie. Mais moi j'ai envie! Rhaaaa... bon d'accord » Et je suis partie jouer avec ces pimbêches du bac à sable. Alors que j'en avais absolument pas envie. Tout ça parce que...
moi j'en avais envie. Ouais voilà. Parfois je la comprend pas, enfin, je me comprends pas. Mais en somme je l'aime beaucoup,
et c'est réciproque. Merci. On est un peu dures à suivre alors mieux vaut vous habituer tout de suite,
ouais c'est clair.
En fait, je crois que je suis née comme ça. Double, je veux dire.
C'est certain. Quand on était gosses, on était sur la même longueur d'onde. De toute façon je vois pas sur quel sujet on aurait pu être en désacord...
prince à la vanille ou au chocolat?. Très drôle. Mais on a toutes les deux toujours préféré le chocolat.
_____________________on a seize ans____________
«
Santi? » «
Oui? » «
Je t'aime Santi. » César, mon premier copain. Il m'aimait, et je l'aimais
ou pas. Vous aurez compris le problème. Nichée dans son cou, je soupirai. Il sentait bon. Il releva ma tête et baisa mes lèvres. Ses lèvres étaient douces
bof, ses cheveux soyeux
bof, ses yeux splendides
faux faux faux faux! Je ne sus que lui répondre. J'avais envie de lui hurler mon amour
et j'avais envie de lui hurler ses quatre vérités. J'ai préféré la fuite, sorte de compromis entre mes deux personalités. Je m'en voulais,
j'exultais.
_____________________on a vingt-deux ans________
«
Santi chérie, viens donc t'asseoir. Ton père et moi devons t'annoncer quelque chose. » Stopée dans mon élan, je lâchai le pinceau que je tenais et allai m'asseoir sur l'un des tabourets de la cuisine. Je scrutais mes parents, perplexe. Ils allaient surement m'annoncer qu'ils avaient appelé SOS fantômes et qu'ils avaient de grands espoirs quant à leurs compétances pour m'exorciser.
Je riais intérieurement. «
Le père Lachaise est venu nous voir. »
Ha non, pas ce vieux chnoque! Pour le coup, je ne pouvais qu'être d'accord avec mon autre moi. Mes parents, des croyants... croyants, avaient un jour émis l'hypothèse que mon problème de personalités multiples pourrait être lié à une histoire de possession par quelque démon. Sottises,
sornettes. Depuis j'avais eu droit à une dizaine d'exorcismes, tous ponctués d'un splendide échec. Les traitements que me faisaient prendre les vingt psy de la région étaient tout aussi efficace que de la pisse de chat. Autant se rendre à l'évidence, nous deux, on ne nous séparerait jamais. Moi je m'y suis faite,
moi pareil. C'est vrai que de temps en temps c'est un peu chiant
voire carrément! Mais dans l'ensemble je pense qu'on s'en tire plutôt bien.
Tout à fait d'accord. Mais revenons à cette délicieuse journée de l'année de nos vingt-deux ans. Je n'avais toujours pas dit un mot
et curieusement moi non plus. «
Il nous a fait une proposition. » «
Ce que ta mère veut te dire c'est que le père Lachaise nous a conseillé que tu ailles vivre à San Marco pendant quelques temps. Il pense que cela pourrait t'aider. Ta mère et moi sommes parfaitement d'accord. Et c'est pourquoi tu y emménage dès demain. » Quoi?!
Quoi?! Aller vivre dans un couvent, entourée de bonnes soeurs 24/24? Malheureusement pour nous, ce n'était pas une blague. C'est deux crétins étaient sérieux... Nous n'avions jamais vraiment aimé le catéchisme.
Sauf quand ça nous permettait de voir nos copines ou de faire la connaissance de beaux garçons. Alors partir vivre dans un couvent... Tout ça parce que papa et maman nous... me pensaient possédée. «
Mais nous, je veux dire je vais très bien! Et vous ne m'avez même pas demandé mon accord... Je suis votre fille merde, pas un cobaye pour exorcistes amateurs! »
_____________________on a vingt-trois ans________
Mes cris,
mes pleurs, mes lamentations n'avaient rien pu faire contre l'autorité parentale. Et ma majorité ne valait plus rien aux yeux de personne puisque j'avais été déclarée 'inapte'. Le lendemain de cette douce journée, je posais donc mes valises dans un des sales dortoirs de San Marco.
Voilà presque un an que je vis là-bas. Les gens du 'dehors' pensent que je vais mieux. Mais demandez à mes camarades de l'intérieur, non, je ne suis pas guérie et ne le serai probablement jamais. Mais quelle importance?
C'est vrai, quelle importance? Finalement, je crois que je me plais pas mal ici, qui aurait cru qu'un couvent pouvait être le théâtre de tels actes de dépravation?
Personnelement, je hais le couvent. Ouais okay, il peut y avoir des trucs sympas qui s'y passent m'enfin dans l'ensemble, messe deux fois par jour, lever à quatre heures, prières à n'en plus finir... Putain! Elle ne voit que le mauvais côté des choses...