« MY LIPS LIKE SUGAR »

« Sincèrement, je t’ai connue plus bavarde. » … « Allez ne soit pas mauvaise joueuse. » … « Tiens, b-a l-l-o-n ! Six lettres, mot compte double. » … « Tu pourrais au moins faire semblant d’être contente pour moi Stella.» Cela faisait une demie heure que je jouais au scrabble avec, une plante verte. Assis face à elle, je sirotais je ne sais quelle boisson en attendant une réponse. Non, je n’étais pas fou, je m’ennuyais terriblement. L’été avait été long et alors que moi J'était condamné à rester enfermer chez moi, mes amis partaient en voyages ou profitaient simplement de ces deux longs mois de vacances. Je n’en revenait toujours pas, elle n’y avait jamais tenu à son chat la concierge, là où il était - et Dieu seul sait où - la bestiole était sûrement mieux qu’entre les mains de cette mégère. Cessant d’espérer une réponse qui ne viendrait pas, je me leva et rejoignit ma chambre dans l’optique de prendre une douche, je pris ma serviette et me dirigea vers la salle d’eau.

Des gouttes ruisselaient encore sur ma peau lorsque je me présenta face au miroir, mes yeux bleus se reflétaient étonnamment bien au milieu de la buée alors que je m'ébouriffa les cheveux bruns avec ma main droite. Du haut de mes dix-huit ans, je mesurais un peu plus d’un mètre quatre vingt pour une carrure mince mais néanmoins musclée. Je m’avança en baillant jusqu’à mon armoire et en sortit quelques rudiments de ma tenue essentielle - pareils à beaucoup d’adolescents ou jeunes adultes - c’est-à-dire un jean et un tee-shirt simple. J'enfila une chemise par-dessus, en flanelle et à carreaux dans les tons rouges, et redescendit au rez-de-chaussée, jetant au passage un coup d’œil à la prénommée Stella qui n’avait évidemment pas bougée d’un pouce. Je ne comptais pas obéir aux quelconques règles de ma punition, Je ne les avait en rien suivit depuis le début de l'été en réalité, je m'étais simplement fait plus discret qu'à l'accoutumée.
Dix huit ans. Linton Ahàron Earnshaw-Pryce avait bien grandi. Puisqu'il nous faut à présent le définir, on laissera transparaître le côté machisme et superficiel qu’il semblait représenter. Un grand brun, charismatique à la beauté sans pareille et à l’allure séductrice, renforcée par une vieille veste de cuir noire semblant venir des premiers âges du rock et composant indispensable de sa tenue. Son parfum mêlait sadisme et passion. Sa démarche élégante invitait à la luxure. Ses traits trop bien dessinés et son visage parfait donnaient l’illusion d’une statue de cire. De profil, on n’apercevait pas la partie haute de son visage, masquée par un nombre incalculable de mèches en pagaille, à l’arrière de son crâne, ses cheveux s’entremêlaient, coiffure négligée, ébouriffée à la sortie de la douche. Ses yeux couleur saphir paraissaient vides d’expression au premier abord, mais en l'observant plus intensément on pouvait y reconnaître cette lueur de haine et de détermination, lueur aux accents de colère et de ruse. Cependant, le garçon n'avait pas tant changé depuis ses premières années d'adolescence. Un sale petit con prétentieux. Voilà donc ce qu'on pensait de lui lorsque qu'on le rencontrait la première fois, et ceux qui le pensaient n'avaient pas totalement tort ! Méprise des règles, accro aux sensations fortes, à l'adrénaline, il mettait sa vie en danger pour faire battre son sang dans ses veines à la manière d'un torrent de lave. Ahàron se révélait être un excellent rhétoricien. Il éprouvait un malin plaisir à faire souffrir une personne qu'il n'appréciait pas. Contradictoire, il pouvait se révéler doux et attentionné. Il pouvait même se montrer attachant mais peu de personnes sont parvenues à briser la carapace qu'il s'était forgé au fils des années. Amoureux de la vie, masquant son courage et ces fortes ressemblances avec son paternel - altruisme, gentillesse, fidélité - on peut dire que Linton portait un masque, et s'il venait à tomber ce n'était pas le regard des autres que craignait le jeune homme mais bel et bien son reflet dans le miroir.
« Mais qu’est-ce que tu fais ? » Je relevais la tête pour faire face à Ell’ qui se tenait dans l’embrasure de la porte. Ma chambre était un vrai désastre, c’était toujours ainsi, je n’étais pas capable de la garder rangée, j’avais beau faire des efforts cela ne durait jamais. J’avais malgré tout une assez bonne idée d’où se trouvait chaque chose en général, sauf maintenant. « Je cherche ton bracelet… je te rappelle ta petite crise hier soir ? » Je soupirais légèrement, j’avais le don pour ramener les sujets qui fâchent au gout du jour. Il faut dire que la veille au soir j’avais eu droit à une sacrée scène lorsque mademoiselle ne retrouvait pas son précieux bracelet. Était-ce ma faute si elle l’avait perdu ? Non, si elle ne s’était pas jeté sur moi, cela ne serait pas arrivé. Je ne me plains pas, loin de là, mais j’avoue préférer la quitter en bons termes et non sur une dispute. « Oh comme c’est gentil de ta part. » L’ironie dans sa voix était tout aussi palpable que mon agacement. Je m’en foutais pas mal, à vrai dire je ne cherchais ce bracelet que parce que ma sœur m’avait tanné l’après midi entier. « Mais enfin comprends là elle y tient ! Retrouve ce bracelet, ça lui fera plaisir et elle ne fera plus la tête. » Tu parle ! C’est certain Jaelyn est plus intelligente que moi, en règle général j’ai tord et elle a raison, alors évidement j’avais suivi son conseil et cela faisait une bonne dizaine de minutes que je retournais ma chambre à la recherche de ce foutu bracelet. De la camelote en plus je suis sur mais bon. Les femmes me rendront fou un de ces jours. « Tu n’es pas obligé de rester là, je te l’apporterais quand j’aurais mis la main dessus. » J’étais dans mes recherches et je n’avais pas remarqué qu’elle était entrer et s’était assise sur mon lit. A cet instant j’avais vraiment l’impression d’être bordélique, ça ne m’avait jamais frappé, mais là j’aurais tout donné pour de l’ordre. « Allez c’est pas grave viens t’assoir. » Je fronçais les sourcils continuant à chercher, qu’est-ce qu’elle avait ? Elle n’était jamais comme ça, en général elle s’énervait et ensuite je devais faire des pieds et des mains pour qu’elle arrête de bouder. Elle avait beau affirmer qu’elle était une « femme » elle se conduisait assez souvent comme une gamine, ce qui m’agaçait. Et me plaisait en même temps. Je soupirais finalement, allant m’assoir à côté d’elle évitant son regard. « Je vais le retrouver, ou j’irais t’en acheter un autre. Je te le promets. » Je fus étonné de l’entendre rire, elle avait un rire très distinctif, elle riait comme une gamine et en même temps c’était ce type de rire qui vous fait rire vous aussi sans que vous sachiez pourquoi. Si je n’avais pas été aussi étonné j’aurais surement joins mon rire au sien. « Je peux savoir ce qu’il y a de drôle ? » J’étais contrarié, encore. Je n’aimais pas qu’elle rit de moi, sans que je sache pourquoi comme cela, j’étais déjà sur les nerfs et elle n’arrangeait en rien les choses en se comportant ainsi. « Disons qu’à moins que tu veuille faire un tour en Grèce dans la soirée, tu ne pourras pas m’en racheter un si facilement. » Je levais les yeux vers elle, pourquoi fallait-il toujours que son père l’emmène dans des pieds pas possible, un bracelet est un bracelet après tout, elle aurait pu en trouver un en bas de la rue dans une boutique. « Oh… » Je me relevais, secouant ma couette qui était restait en boule sur mon lit, découvrant au milieu des draps le bracelet de ma dulcinée. Je souriais, fier de moi mais quelque part je me sentais un peu idiot, j’aurais du commencer par là. « Heureusement pour moi, je ne mettrais pas toutes mes économies dans un billet d’avion. » J’attrapais l’objet du crime, et le lui montrait, retournant près d’elle je lui attachais au poignet. « Oui garde les pour m’emmener au restaurant. » Je ne comprenais pas pourquoi je ferais ça, bon d’accord normalement les gars invitent leur copine au restaurant, mais moi je ne suis pas comme ça. Ell’ et moi, on est ensemble depuis toujours, on a donc jamais réellement pris des habitudes comme celle-ci, ce qui m’étonne d’autant plus c’est qu’elle évoque l’idée d’aller au restau. « Pourquoi je ferais ça ? » Je la vois froncer les sourcils et surtout je vois qu’elle est agacée. De toute évidence, nous sommes à l’aube d’une nouvelle dispute. « Pour notre anniversaire par exemple ? Dans deux jours ? T’es pas croyable ! » Oups… Je ne l’ai pas dis mais je l’ai pensé très fort ! Quel idiot, j’avais déclenché une nouvelle dispute sans le vouloir, mais c’était sa faute aussi, je suis nul quand il s’agit de dates d’anniversaires et autres événements du genre. Analys aurait pu me le dire… « Désolé, mais je pensais qu’on resterait ici en fait… » Même moi je ne croyais pas à mon petit mensonge. Mais tant pis j’avais tenté le coup. Elle sembla se radoucir malgré tout, me souriant pour la première fois depuis son arrivée. « Je suppose que je peux me contenter de ça… mais t’as intérêt à prévoir de quoi me distraire. » Je souriais à mon tour, l’attrapant par les hanches je la forçais à s’assoir à califourchon sur mes genoux. « J’ai besoin de rien pour ça. » Je l’embrassais, bien décider à mettre un terme à toute dispute comme toujours sous la couette.
Extrait du journal d'Ahàron :

« notre relation est si simple et si compliquée à la fois. Enfants, nous étions si proches, sans ambiguïtés, ni faux-semblants. J'étais le grand frère trop protecteur, elle était la petite sœur que je n'ai jamais eu. Elle n'avait pas peur de moi, ne cherchait pas les artifices de mon caractère complexe. Quand on est encore bercé par les doux rêves de l'enfance, tout parait plus beau, et surtout, tout semble éternel. L'éternité nous a bien vite rattrapée. L'amitié homme-femme a toujours été contée comme un mythe, nous y croyions et pourtant, le désir s'en est mêlé. Puis vient le temps où les mots que l'on devrait prononcer ne peuvent franchir la barrière de nos lèvres, où la peur incontrôlée de ce qui pourrait arriver bat dans nos tempes et que l'on se cache derrière les vestiges d'une amitié qui risque de tomber, sous les incessants baisers, sous les pensées à peine murmurés et les sentiments - indéfinissables - que l'on se susurre à demi-mot. Ellwelynn, ce nom résonne dans le tonnerre de mon esprit, est ma seule faiblesse, la seule femme qui ai jamais parvenue à me comprendre. Ma faiblesse, l'unique être qui puisse avoir raison de moi. Je ne suis pourtant pas déterminé à montrer à qui que ce soit que je puisse aimer, peut-être est-ce cela, la réponse à toutes mes questions, je suis trop bouffi d'orgueil et l'amour est un poison violent. »
Je n’ai jamais pensé à perdre une personne que j’aime. Surement parce que c’est déjà fait. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de ma mère, ma vrai mère je veux dire, celle qui m’a donné la vie et à ma sœur également. Elle est morte à la naissance de ma sœur, quelques heures après du moins. Je ne me rappelle ni la peine ni le vide de sa mort. J’étais jeune et incapable de vraiment savoir ce qu’il se passait. Tout ce dont je me rappelle c’est les larmes de mon père, de mes grands parents, de ma tante, je ne les avais jamais vu pleurer. Je me souviens parfaitement des mots de mon père pourtant à l’époque ils ne semblaient pas avoir de sens. « Ta maman… ne reviendra pas Linton. Elle…. Elle est montée au ciel. » Je me rappelle m’être demandé pourquoi, n’aimait-elle pas être avec nous ? Je n’avais rien dis, voyant que cela avait déjà fait du mal à mon père, prononcer ces quelques mots. Depuis on peut dire que ma mère m’a manqué, elle vraiment je ne sais pas, mais sa présence, son parfum, la seule chose dont je me souvienne réellement. Alors je n’étais pas préparé, je me rappelle bien cette nuit là. Comme a toutes les nuits, j'allais discrètement dans la chambre d'Ellwelynn avec l'aide de la fenêtre de la salle de bain, que j'escaladais a tout les soir. J'ai entendu un bruit et finalement je suis allé dans la chambre d’Ellwelynn. Je l’ai vu, cet homme, enjambant la fenêtre de sa chambre, je me suis jeté à sa suite mais je ne l’ai pas rattrapé. Son visage, c’est tout ce dont je me suis souvenu. Me tournant vers ma copine pour m’assurer qu’elle allait bien. Mais elle ne bougeait plus, immobile, froide, morte… Je ne saurais dire ce qu’il s’est passé en moi à ce moment, j’ai réussi je ne sais comment à appeler son père qui devant la vision d’horreur qui était la notre à cet instant, m’a sorti de cette chambre, appelant les secours. Tout c’est passé très lentement, l’arrivée de la police, le médecin légiste, les questions de ce policier. « Je sais que ce n’est pas facile mais je dois vous poser des questions. » Il devait attendre une réponse, un signe que j’étais prêt à lui dire tout ce qu’il voulait savoir, j’en étais incapable, dans ma tête il n’y avait qu’une chose le visage de cet homme, je le haïssais, je ne ressentais aucune peine, aucun chagrin, seulement de la colère, une colère dévastatrice, et cette certitude, celle que je retrouverais cet homme, que je le tuerais de mes mains. « Pouvez vous me dire ce qu’il s’est passé ? » Je l’entendais de très loin, c’est l’impression que j’avais alors, je fixais les marches menant à l’étage, jusqu’à voir le brancard, ce sac noir dans lequel se trouvait le corps de la femme de ma vie. J’eus comme un électrochoc, je me suis levé, tournant les yeux vers ce flic qui semblait se demander quand j’allais craquer. « J’ai entendu un bruit, je me suis rendu dans la chambre, il a sauté par la fenêtre et j’ai vu Ellwelynn, morte. » Je n’avais pas l’intention d’entrer dans les détails, il ne fit qu’acquiescer, me demandant de lui suivre pour un portrait robot. Je pouvais voir sa compassion, sa tristesse pour la famille de ma copine et pour moi, qui avait perdu celle que j'aimais dans son regard, mais cela ne m’effleura pas, je n’étais plus capable de comprendre ceux qui m’entourait. Je ne pensais qu’à lui, qu’au jour où je le retrouverais.

Deux jours, j’avais la sensation que cela faisait des années qu’elle était morte, pourtant cela ne faisait que deux jours, l’enterrement avait eu lieu ce matin, tout nos amis, notre famille, tous étaient là, pleurant pour certains, d’autres nous regardant avec compassion, tristesse. Je les haïssais, ne pensant qu’à l’hypocrisie de la situation. Ma copine était la perfection incarnée, une jeune femme adorable, belle, intelligente. Elle me comprenait, seulement elle, elle savait mettre des mots sur mes émotions, être là quand j’en avais besoin sans avoir besoin de dire un mot pour me faire me sentir mieux. Elle était celle qui me faisait rire, celle qui remplaçait mon shampooing par du caramel liquide, celle qui mettait du sucre dans mon bacon. J’avais souvent eu des prises de tête avec ma elle, mais elle ne m’avait jamais laisser, jamais elle ne m’avait abandonné, jamais déçu. Je le haïssais, celui qui m’avait arraché tout cela. « Ahàron … je suis tellement désolée. » Évidement, elle l’était je le voyais, elle aimait Ellwelynn, comme une sœur. Après tout elle l’avait toujours connu elle aussi, la voyant toujours fourrée à la maison, riant avec mon père ou avec elle-même. Mais je ne pouvais être une grande aide, je n’étais pas même capable de pleurer, de lui dire le mal que sa mort me faisait. J’étais mort en même temps qu’elle, cette nuit là j’avais perdu tout ce qui me définissait. Je n’avais envi de rien, si ce n’est rester dans ma chambre le temps que cela durerait et puis partir, partir me construire une vie qui me permettrait de faire payer le meurtrier de ma copine.
Je regarda mes mains pleines de sang en tremblant. Je ne savais pas ce qui m'avais prit. J'avais garder ce visage dans ma mémoire pendant si longtemps qu'il en était gravé. Je gardais cet espoir fou qu'un jour je pourrais me venger. Qu'un jour je pourrais enfin être en paix. Je l'avais vu, puis un trou noir. Je ne m'étais pas évanouit, mais je ne me souviens de rien. Je me souviens seulement m'être réveillé les mains pleines de sang à côté du cadavre. Je voyais du coins de l'oeil, les gyrophares rouges et bleus qui se profilaient. Je regarda rapidement autour de moi et je m'aperçu que j'étais dans une ruelle. Je me leva pour prendre la fuite, mais je n'en eu pas le temps. Les flics étaient déjà sur moi. Je venais de tuer le meurtrier d'Ellwelynn. Toutefois, chaque meurtre est payé d'une certaine façon. Je me fis donc arrêter et étant donné mes dix-huit ans a peine amorcé, je fut envoyé direction le couvent de San Marco.